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Depuis longtemps, IBM a maintenu très forte activité en recherche et développement avec une importante composante en recherche fondamentale. Bon an, mal an, ce sont quelque 6 milliards de dollars que la compagnie consacre à la R&D. Combien d’entreprises privées peuvent s’enorgueillir d’avoir obtenu 5 prix Nobel, même si le dernier remonte à plus de 25 ans ? IBM ne prétend-elle pas de détenir le plus grand département privé de chercheurs en mathématiques ? Tout ceci a permis à IBM d’inventer bon nombre de produits qui ont marqué l’histoire de l’informatique. Certains furent des réussites spectaculaires, d’autres des échecs retentissants.
La carte perforée n’a pas été inventée par IBM, loin s’en faut. Sans remonter aux premières cartes utilisées au 18e siècle pour les métiers à tisser, c’est Hermann Hollerith qui à la fin du 19e utilisa une machine à cartes perforées pour le recensement de 1890 aux Etats-Unis. Rappelons que la Constitution américaine impose de recenser la population tous les 10 ans. Le recensement de 1880 fut une catastrophe car les résultats ne furent publiés que 7 ans plus tard malgré les 1500 personnes attelées à plein temps à cette tâche. La compagnie que Hermann Hollerith créa, la Tabulating Machine Company (TMC), fusionna avec deux autres entreprises avant d’être rebaptisée IBM en 1924.
En 1928, IBM introduisit un nouveau format de carte, à 80 colonnes, pour laquelle elle déposa un brevet. Ces cartes qui étaient alors le seul système d’introduction des programmes dans les ordinateurs furent couramment utilisés jusqu’à la fin des années 80. Qui n’a pas fait l’expérience d’avoir minutieusement classé ses cartes dans leur boîte avant de les faire tomber !
Et IBM créa le mainframe !
Mainframe est synonyme d’IBM dans la mesure où ce dernier est l’inventeur de ce type de machine et où il en reste aujourd’hui le seul fournisseur. Il y eu d’abord le modèle 1401 introduit en 1959 et qui fut le premier système informatique à mémoire à transistor, à programme stocké et vendu en volume. C’est un peu ce que le DC3 est à l’aéronautique. D’ailleurs, un peu plus de 10 000 unités des deux machines furent vendues. Quelques années plus tard, le 7 avril 1964, IBM frappe un grand coup en dévoile une nouvelle génération d’ordinateurs, l’IBM 360, - l’équivalent du Boeing 707, si l’on veut continuer dans l’analogie aéronautique - qui marque une étape majeure de l’histoire de l’informatique et, a fortiori d’IBM. L’IBM 360 sera l’archétype du mainframe, synonyme de machines volumineuses, puissantes et coûteuses.
C’est un véritable pari pour IBM puisque ces ordinateurs ne sont pas directement compatibles avec les anciens systèmes du catalogue. IBM propose toutefois des possibilités de reprise des programmes, grâce à des émulateurs de microcodes.
L’appellation 360 est due à la décennie. Il y aura ensuite la génération 370 dans les années 70, les 3081 dans les années 80, les 3090 et surtout les OS/390 dans les années 90. Ensuite, IBM abandonne ce procédé, les OS/390 devenant les serveurs z/Series.
Une conception radicalement nouvelle
Avec l’IBM 360, IBM propose non plus des systèmes, mais une famille de systèmes compatibles entre eux. Les six machines introduites offrent un éventail très large de puissance allant de un à cent. Le point d’entrée de la gamme, l’IBM 360/20, dispose de 24 Ko de mémoire… Les entreprises peuvent acheter le modèle d’entrée de gamme et acquérir des machines plus puissantes en fonction de l’évolution de leurs besoins, tout en réutilisant leurs programmes. Parallèlement, IBM introduit quarante périphériques à utiliser sur n’importe laquelle de ces machines. L’architecte de l’IBM 360 est Gene Amdahl qui quittera IBM en 1970 pour créer sa propre société. Celle-ci deviendra le plus féroce concurrent d’IBM et donnera naissance à l’industrie des « compatibles IBM ».
Un tiers du plan Marshall
Les investissements consentis pour le développement et la fabrication de cette nouvelle génération d’ordinateurs sont considérables : 5 milliards de dollars sur 4 ans (90 % en construction d’usine et 10 % en R&D). A titre de comparaison, le chiffre d’affaires d’IBM en 1965 atteint 3,5 milliards de dollars, (ce qui représenterait 30 milliards de dollars d’aujourd’hui) soit le tiers du plan Marshall. Il s’agit du deuxième projet le plus important jamais entrepris par une entreprise après le programme Apollo pour l’exploration lunaire. Le premier système 360 est livré en 1965 à Globe Exploration pour l’analyse de données sismographiques dans le domaine pétrolier.
Le succès commercial des 360 est au rendez-vous et les commandes atteignent fin 1966 1000 unités par mois, de telle sorte qu’IBM ne peut répondre à la demande. Certaines entreprises vont jusqu’à acheter le droit d’être sur la liste d’attente afin d’être servies plus rapidement. Pour accélérer la production, IBM embauche 25000 personnes en 1966 et construit plus de 270 000 m² d’usines. En 1970, le parc installé IBM compte 35 000 machines.
Plusieurs systèmes d’exploitation pour une même famille
Le cœur de la gamme utilise l’OS/360, un système d’exploitation fonctionnant en traitement par lot (ou batch) et utilisant des périphériques à accès direct (DASD) par opposition à l’accès séquentiel. Les machines d’entrée de gamme fonctionnent avec le DOS/360, un OS conçu comme un produit provisoire mais qui survit pourtant jusqu’en 1971. L’OS/360 pouvait fonctionner en trois modes : en PCP (traitement des programmes de manière séquentielle), MFT (multitâche pour un nombre fixe de programmes) ou MVT (multitâche variable).
Les machines haut de gamme peuvent accueillir le TSS/360, un système en temps partagé qui n’a finalement jamais vraiment fonctionné. Il est l’ancêtre de trois autres systèmes : CP-67, MTS et TSO. Le CP-67 va se muer en VM/370, puis en VM/CMS (Virtual Machine), l’un des systèmes d’exploitation les plus utilisés dans le monde. VM permet de traiter des programmes conçus dans différents environnements. La virtualisation, antichambre du cloud computing, est donc tout sauf une idée nouvelle.
Aujourd’hui, la technologie de l’OS/360 appartient au domaine public et peut être téléchargée gratuitement. En dehors des matériels de la gamme 360, il peut fonctionner via l’émulateur Hercules sur les systèmes GNU/Linux et Windows.
Le PC, le PS/2, puis Lenovo
Le 12 août 1981, IBM dévoilait le Personal Computer (référencé 5150 dans le catalogue IBM) et jetait les bases d’une nouvelle industrie auxquels participèrent de nombreux partenaires. Pour se lancer sur un marché qu’elle avait raté (des ordinateurs personnels existaient déjà depuis plusieurs années notamment ceux d’Apple, de Tandy et de Commodore), IBM a constitué une task force chargée de boucler ce projet au plus vite. L’ouverture qui caractérise l’architecture du PC attire de nombreux concurrents, des fabricants de compatibles, certains comme Compaq s’attachaient à apporter des avantages fonctionnels, d’autres comme de très nombreux du Sud-Est asiatiques jouent plus spécialement sur le terrain des prix et du volume. Et surtout le PC a favorisé l’émergence du couple Wintel - Microsoft et Intel - qui rythme l’évolution des PC depuis plus trente ans.
Année après année, IBM perd des parts de marché et contre-attaque en lançant une nouvelle famille de produits, les PS/2 basés sur une nouvelle architecture plus avancée sur plan technologique, notamment le bus MCA qui autorisait un véritable fonctionnement multitâche. Mais contrairement au PC, le PS/2 est une machine fermée (entre 50 et 80 % des composants sont de fabrication interne). Cette nouvelle famille de machines a été accompagnée d’une nouvelle génération de système d’exploitation co-développée à partir de 1985 par IBM et Microsoft. Le partenariat se transforme en concurrence frontale, IBM poursuivra seul le développement d’OS/2 et Microsoft se lancera dans celui de Windows. A partir de Windows 3.1, Microsoft a réalisé une irrésistible ascension, tandis qu’IBM n’a pu jouer que les seconds rôles sur le poste de travail, tant au niveau du matériel qu’à celui du logiciel. OS/2 n’a réussi qu’à s’imposer dans les entreprises, notamment dans certains secteurs comme la banque où IBM possédait une très forte position, mais n’a jamais trouvé le chemin des particuliers.
Quelques années plus tard, IBM quittait le marché des PC arguant qu’ils ne sont plus que des « commodités » et vend en 2005 sa division PC au chinois Lenovo.
Disque et bande magnétiques
IBM a aussi créé deux éléments essentiels des systèmes informatiques, le disque magnétique et la bande magnétique. En 1956, le RAMAC (Random Access of Accounting and Control) regroupe une cinquantaine de plateaux de 24 pouces pour une capacité totale de… 5 Mo. Quelques années plus tôt, en 1952, IBM avait déjà introduit le lecteur de bandes magnétiques. Celui-ci a été utilisé pour la première fois, pour le système IBM 701 et offrait des fonctions de lecture, écriture et stockage de données. Enregistrant 100 caractères à la seconde, un lecteur de bande de 8 pouces représentant 12 500 cartes perforées. Dans le domaine du stockage des données, on doit mettre à l’actif d’IBM les floppy disk (disque souple) dont les premiers modèles ont été utilisés pour les IBM 370 et dont la vie s’est prolongée jusqu’aux premières générations de PC.
Mémoires à semiconducteur et systèmes intelligent
Dans le cadre de ses activités de recherche, IBM a toujours été très actif dans les semiconducteurs. Parmi ses faits d’armes, on peut citer les fameuses DRAM (Dynamic Random Access Memory) ou mémoires dynamiques qui sont à la base des PC d’aujourd’hui, les puces utilisant un composite de Silicium et de Germanium et pas plus tard que la semaine dernière, IBM faisait état de composants à haute performance à base de graphène et qui pourraient être utilisés pour les smartphones et les téléviseurs.
Alors qu’IBM a largement déserté l’activité du matériel, elle n’est en toujours pas moins impliqué dans le développement de serveurs haut de gamme et les supercalculateurs. Il y a une dizaine d’années, IBM s’était illustré en développant un supercalculateur baptisé Blue Gene et qui a battu le champion du monde des échecs, Garry Kasparov, une prouesse qui semblait impossible quelques années plus tôt. Cette initiative avait eu pour but de faire la promotion d’IBM dans le calcul scientifique. Ces derniers moins, IBM a réédité ses exploits avec un système informatique baptisé Watson du nom de deux prestigieux Pdg d’IBM.
Tout comme Deep Blue, le superordinateur d’IBM qui avait battu le champion du monde d’échecs en titre en 1997, Watson offre une évolution considérable quant à la capacité des systèmes des technologies de l’information à identifier les comportements, développer un instinct critique et accélérer la prise de décision en dépit d’une complexité intimidante. Mais alors que Deep Blue constituait une énorme réalisation dans l’application de la puissance informatique à un jeu bien défini et limité informatiquement, Watson relève un challenge infiniment ouvert et surpasse les limites bien définies de formules mathématiques d’un jeu tel que les échecs. Watson est capable d’opérer dans l’ambiguïté, le domaine hautement contextuel, presque sans limite du langage et du savoir humain.
Du côté des échecs
Aux côtés des réalisations remarquables que l’on doit attribuer à Big Blue, il faut également citer certains échecs retentissants. Parallèlement à OS/2 déjà citer, on pourrait citer le PC Junior, une tentative ratée de populariser les PC, le logiciel de bureautique OfficeVision créé pour les grands systèmes à l’heure où la bureautique prenait son envol sur les PC, le système TopView qui n’a pas peser lourd face à Windows, AD Cycle et SAA (Systems Application Architecture), deux cathédrales architecturales sans doute trop ambitieuses, le protocole Token Ring dans le domaine des réseaux locaux laminé par Ethernet… Une liste évidemment non exhaustive.