dimanche 21 mars 2010

Séance culture 19 : Le Polyvoks made in USSR

Nous sommes en 1982, en pleine guerre froide. A l’image de Berlin et depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Europe est coupée en deux : d’un côté le bloc occidental coaché par les Etats-Unis, de l’autre le bloc dit communiste piloté par l’Union Soviétique. La rivalité est permanente dans tous les domaines, y compris dans celui du monde des instruments de musique électronique. Il ne saurait être question pour le ministère de la culture soviétique d’autoriser l’importation d’une de ces sataniques machines capitaliste pour permettre aux camarades musiciens d’explorer ses nouveaux horizons de création : niet, запрещаются (interdit) !

La mission est donc confiée au camarade ingénieur électronicien et accessoirement musicien Vladimir Kuzmin de créer un synthétiseur 100% prolétaire et soviétique capable d’en remontrer aux japonaiseries et autres machines provenant du territoire US. Pour concevoir la machine, les seules sources d’inspiration possibles sont la lecture des brevets mondialement déposés, les disques de ces diaboliques occidentaux et l’imagination. Ici, point de reverse engineering, les solutions élaborées pour créer les différents filtres sont donc originale doublées d’une fiabilité quasi-militaires digne d'un char T-65, mais faisant aussi l’impasse sur la fonction bender (la roue pour faire moduler le son) faute d’ingénieur compétent en la matière !

Il en sortira cette machine analogique duophonique avec clavier à 39 touches à la fois rustique et fiable -hormis le clavier provenant des orgues déjà produits par l’industrie russe d’alors - : la légende veut que l’on puisse l’utiliser au beau milieu de la taïga en plein hiver c’est dire …

J'ai écrit duophonique (deux notes à la fois), alors que la machine se nomme Polyvoks ??? Faux ami que ce terme puisqu’il signifie plusieurs timbres (sons) en russe et pas plusieurs voix :)


La façade est noire et les inscriptions uniquement en cyrillique

La stabilité des VCOs posera quelques problèmes jusqu’en 1985, date ou le contrôle qualité se fera plus rigoureux sur les composants. Au final, la machine abritera 2 VCOs avec générateur de bruit blanc, 2 générateurs d’enveloppe, 1 filtre passe-bas, 1 VCA, 1 LFO. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la seule fois où j’ai pu la manipuler, j'en ai trouvé le son rapeux à souhait, à l'image d'un Roland SH-101 ou d'un Oberheim OB-1 (qui donnera son nom à OBI One Kenobi dans la guerre de étoiles, comme vous le savez déjà ...).



Cette machine qui se verra bassement qualifiée par les igniardes forces non progressistes de 'Mini-Moog Russe' sera produite à 25 000 exemplaires par an jusqu’en 1990 pour un prix d'accession qui avoisinera les 900 roubles soit à peu près 1000,00 de nos Euros d’aujourd’hui. Malgré tout, ce synthétiseur n’est pas facile à trouver en occasion à part de temps en temps sur e-bay.

En revanche, il est possible de se faire une idée de l'engin en en téléchargeant une émulation sous forme de plug-in VSTi gratuit de surcroît à l’adresse : http://y0u-file.narod.ru/PolyvoksStation.zip

On peut aussi l'écouter sur youtube : http://www.youtube.com/watch?v=pJtPopDf3CQ

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